Le 19 mars 2020, le maire sortant de la commune de Thénac, par ailleurs candidat à sa réélection, a saisi le tribunal administratif de Poitiers d’une protestation électorale visant à réformer le résultat des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour l’élection des conseillers municipaux et communautaires. Battu de 10 voix par la liste concurrente, le requérant contestait les opérations électorales au motif que 13 bulletins de vote en sa faveur avaient été, selon lui, considérés à tort comme nuls lors du dépouillement.
Précisément, les 13 bulletins de vote litigieux n’avaient pas été considérés comme valides car ils ne respectaient pas les prescriptions prévues par l’article R. 117-4 du code électoral.
Depuis le décret n° 2013-938 du 18 octobre 2013 portant application de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013, l’article R. 117-4 du code électoral prévoit en effet que, dans les communes de 1 000 habitants et plus, les bulletins de vote doivent comporter deux listes – l’une pour l’élection au conseil municipal et l’autre pour l’élection au conseil communautaire – réparties à gauche et à droite du bulletin et précédées du titre de la liste des candidats ainsi que des termes « Liste des candidats au conseil municipal » et « Liste des candidats au conseil communautaire ». Comme l’a rappelé le Conseil d’Etat dans un arrêt du 14 novembre 2014, l’objet de cette disposition est « d’éviter toute confusion, dans l’esprit de l’électeur, entre les candidats au mandat de conseiller municipal et les candidats au mandat de conseiller communautaire » (CE, 2e/7e ss-sect. réunies, 14 nov. 2014, n° 382316).
Saisi des conséquences du non-respect de l’article R. 117-4 du code électoral, le juge de l’élection tendait jusqu’à présent à considérer que les violations invoquées (omission du titre de la liste, mention du titre de la liste en partie centrale du bulletin et non sur la partie gauche, etc.) étaient d’une gravité insuffisante pour justifier l’annulation du scrutin ou l’invalidation des bulletins de vote litigieux.
En l’espèce, les treize bulletins de vote avaient été considérés comme nuls au motif qu’ils ne comportaient ni la liste des candidats au conseil communautaire ni la mention obligatoire « Liste des candidats au conseil communautaire » pourtant prescrites par l’article R. 117-4 du code électoral.
L’affaire portée ici devant le tribunal administratif de Poitiers présentait donc un caractère doublement inédit :
- D’abord parce que le juge électoral n’avait jusqu’à présent jamais été saisi de la question de la validité ou non de bulletins de vote ne comportant ni la liste des candidats au conseil communautaire ni la mention obligatoire « Liste des candidats au conseil communautaire » ;
- Ensuite parce que l’omission en cause était susceptible de revêtir, cette fois-ci, un caractère substantiel.
En effet, en ne mentionnant pas la liste des candidats au mandat de conseiller communautaire, les 13 bulletins de vote litigieux ne permettaient pas une désignation suffisante de la liste pour laquelle les électeurs étaient amenés à se prononcer. Plus généralement, considérer ces bulletins comme valides serait revenu à priver de toute portée les dispositions de l’article R. 117-4 du code électoral.
Aux problématiques juridiques et techniques présentées par cette affaire s’ajoutait un enjeu de taille : ou bien le tribunal administratif considérait les 13 bulletins de vote comme valides et le maire sortant était alors réélu, ou bien le tribunal administratif considérait les irrégularités commises comme suffisamment importantes pour justifier que les 13 bulletins litigieux soient exclus du résultat du dépouillement.
C’est cette seconde analyse que va retenir le tribunal administratif de Poitiers dans son jugement n° 2000753 du 29 juillet 2020.
Après avoir rappelé que l’objectif poursuivi par l’article R. 117-4 du code électoral est d’informer les électeurs sur le sens de leur vote et « d’éviter toute confusion », le tribunal administratif de Poitiers a logiquement considéré que « la circonstance que la liste des candidats au mandat de conseiller communautaire n’ait pas figuré sur les bulletins litigieux a affecté leur régularité et altéré la sincérité du scrutin ». Et le juge électoral de conclure que, conformément aux dispositions de l’article R. 66-2 du code électoral, les treize bulletins de vote « ne pouvaient dès lors pas entrer en compte dans le résultat du dépouillement ».
Le tribunal administratif de Poitiers donne donc raison à la maire nouvellement élue, défendue par Me Jean-Christophe Ménard, en rejetant le recours déposé par son adversaire.
Le jugement obtenu est inédit et il a pour intérêt de préciser la portée de l’article R. 117-4 du code électoral et les conséquences du non-respect de cette disposition. Il permet en effet d’établir une distinction entre, d’une part, les prescriptions prévues par l’article R. 117-4 du code électoral dont le non-respect n’emporte aucune conséquence sur la validité des bulletins de vote ou sur la sincérité du scrutin et, d’autre part, les prescriptions revêtant un caractère substantiel dont le non-respect entraîne la nullité des bulletins de vote.