Par un jugement n° 2002185 du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a apporté une précision intéressante concernant l’influence des messages diffusés par le gouvernement, durant la crise sanitaire, sur la sincérité d’un scrutin acquis avec un faible écart de voix dès le premier tour.
Précisément, le tribunal administratif de Toulouse était saisi d’une requête dirigée contre l’élection municipale qui s’est tenue le 15 mars 2020 sur la commune de Fontenilles en Haute-Garonne à l’issue de laquelle la liste « Fontenilles au Coeur » avait été élue dès le premier tour.
Ce recours présentait comme particularité d’être quasiment identique à celui ayant amené le tribunal administratif de Nantes à annuler dans un jugement du 9 juillet 2020 les élections municipales sur le territoire de la commune de Malville.
En effet, dans le cadre du recours dirigé contre les opérations électorales qui se sont déroulées sur la commune de Fontenilles :
- Le taux de participation était particulièrement élevé au regard de celui enregistré lors du scrutin municipal de 2014 ;
- L’écart de voix par rapport au nombre de suffrages nécessaires pour obtenir à la majorité absolue dès le 1er tour était très faible (14 voix) ;
- Les griefs invoqués à l’appui du recours étaient identiques, à savoir l’altération de la sincérité du scrutin en raison, d’une part, de l’abstention liée au coronavirus et, d’autre part, des messages diffusés par le Gouvernement qui auraient pu dissuader les électeurs de se rendre aux urnes.
L’autre intérêt de ce contentieux résidait dans ce qu’il était examiné postérieurement à l’arrêt du 15 juillet 2020 par lequel le Conseil d’Etat avait indiqué que, si le taux d’abstention élevé imputable à la crise sanitaire ne suffit pas à lui seul pour annuler une élection, ce moyen devient opérant s’il est combiné, en cas de faible écart de voix, avec d’autres moyens.
Or, en l’espèce, la requête dont le tribunal administratif de Toulouse était saisi combinait justement le moyen tiré de l’altération de la sincérité du scrutin en raison de l’abstention liée au Covid 19 avec celui tiré de ce que les messages diffusés par le Gouvernement dans les jours précédant le scrutin avaient présenté un caractère contradictoire.
Dans son jugement du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse va cependant retenir une solution strictement opposée à celle du tribunal administratif de Nantes et rejoindre l’analyse défendue par la liste ayant remporté le scrutin.
Après avoir logiquement rejeté une question prioritaire de constitutionnalité posée par la requérante au motif que les dispositions contestées avaient déjà été déclarées conformes à la Constitution, le juge électoral a validé le scrutin et procédé à la clarification suivante :
« si le contexte de la crise sanitaire a nécessairement été pris en compte par certains électeurs, notamment les plus âgés, dans leur choix d’aller voter ou de s’abstenir, les messages gouvernementaux rappelaient aux électeurs la nécessité d’aller voter tout en respectant les consignes sanitaires ».
En d’autres termes, les messages diffusés par le Gouvernement quelques jours avant le scrutin n’ont présenté aucun caractère contradictoire et n’ont donc pas eu pour effets de dissuader les électeurs de se rendre aux urnes. A noter que c’est à cette même question que le Conseil d’Etat doit répondre dans le cadre de l’appel dont il a été saisi sur le fameux jugement rendu par le tribunal administratif de Nantes le 9 juillet 2020 concernant l’annulation des élections municipales de la commune de Malville.
Dans son jugement, le tribunal administratif précise également que le taux d’abstention dans le cadre du scrutin litigieux, bien qu’« excessivement élevé au regard de celui enregistré à l’occasion du précédent scrutin municipal », n’a pas affecté une liste de candidats plutôt qu’une autre.
Le tribunal administratif de Toulouse confirme donc la victoire du maire nouvellement élu qui était défendu par Me Jean-Christophe Ménard.
Accéder au jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 2002185 du 22 septembre 2020.