Saisi par le parti politique « La France Insoumise » et la députée Clémentine Autain, par ailleurs candidate aux élections régionales, le juge des référés du Conseil d’Etat est venu préciser les règles applicables à l’organisation de réunions électorales en période de crise sanitaire.
Au cœur du litige, le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant de nouvelles mesures destinées à concilier les rassemblements publics avec la prévention de la circulation du covid-19.
Précisément, l’article 3 de ce décret dispose que :
« I. – Tout rassemblement, réunion ou activité sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public, qui n’est pas interdit par le présent décret, est organisé dans des conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l’article 1er.
II. – Les organisateurs des manifestations sur la voie publique mentionnées à l’article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure adressent au préfet de département sur le territoire duquel la manifestation doit avoir lieu, sans préjudice des autres formalités applicables, une déclaration contenant les mentions prévues à l’article L. 211-2 du même code, en y précisant, en outre, les mesures qu’ils mettent en œuvre afin de garantir le respect des dispositions de l’article 1er du présent décret.
Sans préjudice des dispositions de l’article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, le préfet peut en prononcer l’interdiction si ces mesures ne sont pas de nature à permettre le respect des dispositions de l’article 1er.
III. – Les rassemblements, réunions ou activités sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public autres que ceux mentionnés au II mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes sont interdits.
Ne sont pas soumis à cette interdiction :
1° Les rassemblements, réunions ou activités à caractère professionnel ;
2° Les services de transport de voyageurs ;
3° Les établissements recevant du public dans lesquels l’accueil du public n’est pas interdit en application du présent décret ;
4° Les cérémonies funéraires organisées hors des établissements mentionnés au 3°, dans la limite de 50 personnes ;
5° Les cérémonies publiques mentionnées par le décret du 13 septembre 1989 susvisé ;
6° Les visites guidées organisées par des personnes titulaires d’une carte professionnelle ;
7° Les compétitions et manifestations sportives soumises à une procédure d’autorisation ou de déclaration, dans la limite, pour les compétitions qui ne sont pas organisées au bénéfice des sportifs professionnels ou de haut niveau, de 50 sportifs par épreuve ;
8° Les évènements accueillant du public assis, dans la limite de 1 000 personnes, organisés sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public. Une distance minimale d’un siège est laissée entre les sièges occupés par chaque personne ou chaque groupe jusqu’à six personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble ;
9° Les réunions électorales organisées en plein air hors des établissements mentionnés au 3°, dans la limite de 50 personnes.
Pour la célébration de mariages et l’enregistrement de pactes civils de solidarité dans les lieux mentionnés au 3°, l’accueil du public est organisé dans les conditions suivantes :
1° Une distance minimale de deux emplacements est laissée entre ceux occupés par chaque personne ou groupe de personnes partageant le même domicile ;
2° L’emplacement situé immédiatement derrière un emplacement occupé est laissé inoccupé ».
Si l’énoncé de cette disposition manque pour le moins de limpidité, une lecture attentive de cet article permet néanmoins de conclure que, concernant l’organisation de réunions électorales, une distinction est opérée dans le décret entre celles rassemblant moins de 50 personnes et celles rassemblant plus de 50 personnes.
Précisément, les réunions électorales en plein air de moins de 50 personnes se trouvent soumises à simple déclaration en préfecture (cf. art. 3 III. 9° du décret) tandis que celles de plus de 50 personnes sont soumises, outre à une déclaration en préfecture, à l’obligation pour les organisateurs d’informer les services administratifs des mesures prévues pour garantir le respect des règles sanitaires (cf. art. 3 II. du décret).
Les requérants ont cru voir dans cette disposition l’interdiction pure et simple des réunions électorales de plus de 50 personnes et ont donc saisi le Conseil d’Etat d’un référé liberté afin de faire suspendre l’exécution des dispositions du décret du 1er juin 2021 au motif qu’elles constituaient selon eux une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression, à la liberté de réunion et au pluralisme des courants de pensées et d’opinions.
Dans une ordonnance du 11 juin 2021, le juge des référés du Conseil d’Etat va logiquement rejeter cette requête en rappelant que :
- A l’inverse de l’interprétation faite par les requérants, le décret du 1er juin 2021 assouplit dorénavant les conditions d’organisation des réunions électorales en période de crise sanitaire au lieu de les restreindre ;
- La demande de suspension de cet assouplissement reviendrait donc paradoxalement à « aggraver la contrainte sur la liberté d’organiser des manifestations par les partis politiques et ne serait donc aucunement de nature à préserver les libertés fondamentales » ;
- Le décret ne fixe en outre aucun seuil de participants au-delà duquel une réunion électorale serait interdite mais il oblige simplement les organisateurs d’une réunion électorale de plus de 50 personnes à informer la préfecture des mesures prises pour garantir le respect des règles sanitaires ;
- D’autres rassemblements sont soumis à des règles moins strictes soit parce qu’ils sont de nature différente (ex : les réunions professionnelles qui, à l’inverse des réunions électorales, sont placées sous le contrôle d’employeurs tenus d’assurer la protection de leurs salariés et des participants) soit parce qu’ils sont soumis, contrairement aux réunions électorales, à une jauge maximale.
Quant au fait que le juge des référés ait rappelé que la requête dont il a été saisi repose « sur la foi d’un courrier d’information du préfet du département » qui se bornait pourtant à rappeler « exactement les dispositions applicables », certains verront peut-être dans cet énoncé l’indication qu’une lecture plus objective du décret litigieux aurait sans doute permis d’éviter aux requérants un tel recours.
Accéder au communiqué du Conseil d’Etat ainsi qu’à l’ordonnance du juge des référés n° 453236 du 11 juin 2021.
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