En matière de demandes d’autorisations d’urbanisme, le principe d’impartialité de l’administration – qui a valeur de principe général du droit (CE, 20 avril 2005, Karsenty et autres, n° 261706) – implique pour l’autorité administrative de traiter sans préjugés ni partis pris les dossiers qui lui sont soumis, et ce durant l’intégralité de la procédure d’instruction et de délivrance de l’autorisation.
Ce principe s’incarne notamment à travers l’article L. 422-7 du code de l’urbanisme lequel dispose que « si le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale est intéressé au projet faisant l’objet de la demande de permis ou de la déclaration préalable, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, le conseil municipal de la commune ou l’organe délibérant de l’établissement public désigne un autre de ses membres pour prendre la décision ». Dans l’hypothèse où un maire se trouverait donc « intéressé » à un projet soumis à une autorisation d’urbanisme, une délibération doit être adoptée par le conseil municipal en vue de remplacer le maire par un conseiller municipal spécialement désigné pour statuer sur ce projet.
A titre d’exemples, est considéré comme « intéressé » au projet le maire par ailleurs propriétaire de l’une des entreprises ayant déposé la demande de permis de construire (CAA Paris, 4e ch., 29 décembre 1994, n° 94PA00328) ou bien encore le maire dont la propriété est mitoyenne du bâtiment à transformer (TA Grenoble, 3 novembre 2011, n° 0702920).
Dans un jugement du 8 décembre 2022, le tribunal administratif d’Amiens a rendu une décision intéressante concernant le respect par l’administration du principe d’impartialité dans le cadre de l’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme. L’affaire concernait le refus opposé par le maire de Courmelles d’accorder à la société Rockwool France un permis de construire une usine de production de laine de roches.
Saisi de l’illégalité de ce refus par le préfet de l’Aisne et par la société Rockwool France, le tribunal administratif d’Amiens a jugé que le refus opposé par le maire était illégal pour plusieurs motifs dont, notamment, celui de la méconnaissance du principe d’impartialité.
Après avoir rappelé que « le principe d’impartialité (…) s’impose à toute autorité administrative, notamment aux membres de ces autorités, qui doivent s’abstenir de toute prise de position publique de nature à compromettre le respect de ce principe », le tribunal administratif a relevé, d’une part, que le maire avait publiquement exprimé son opposition au projet au cours d’un entretien accordé à un journaliste alors que l’instruction du dossier était toujours en cours et, d’autre part, qu’il « avait pris contact avec un avocat pour évaluer les frais qu’engendrerait pour la commune une instance juridictionnelle l’opposant à la société pétitionnaire ». Mais, et c’est en cela que réside l’originalité de ce jugement, le tribunal administratif a également considéré que l’atteinte au principe d’impartialité était caractérisée par les prises de position défavorables du maire exprimées publiquement sur les réseaux sociaux en mars 2020, soit durant la campagne électorale des dernières élections municipales et à une période où, par le force des choses, il n’était pas encore élu.
Autrement dit, un maire peut être considéré comme étant intéressé au projet faisant l’objet d’une demande de permis de construire ou d’une déclaration préalable s’il a, antérieurement à l’exercice de son mandat ou au cours d’une campagne électorale, exprimé une position publique sur le projet de nature à compromettre le respect du principe d’impartialité auquel l’administration est tenue. Dans une telle hypothèse, il reviendra au conseil municipal de la commune de désigner un autre élu pour statuer sur le projet.
Outre la vigilance supplémentaire dont les maires et les services instructeurs devront faire preuve lorsqu’il s’agira d’examiner une demande d’autorisation d’urbanisme, le pétitionnaire ou les potentiels requérants devront être à l’affut des éventuelles prises de position publiques (qu’elles soient favorables ou défavorables) exprimées par le maire antérieurement à son mandat pour espérer obtenir l’annulation de la décision litigieuse.
Accéder au jugement du tribunal administratif d’Amiens du 8 décembre 2022.