Malgré une jurisprudence constante, le règlement direct par un candidat de ses dépenses électorales après la désignation de son mandataire financier et la non restitution à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) des carnets de reçus-dons sont deux erreurs encore fréquemment rencontrées en contentieux électoral et dont les conséquences sont sous-estimées par les candidats ou leurs équipes de campagne.
A la veille des élections européennes et municipales, il est d’autant plus utile de rappeler le caractère impératif de ces deux règles que le Conseil constitutionnel vient d’en sanctionner le non-respect par deux décisions du 1er février 2019 dans le cadre du contentieux des comptes de campagne de deux élections législatives partielles (décision n° 2018-5674 AN : inéligibilité du candidat en raison de la non restitution des carnets de reçus-dons ; décision n° 2018-5675 AN : rejet du compte de campagne et inéligibilité du candidat en raison du règlement direct de dépenses électorales).
Les obligations faites au candidat, d’une part, de régler l’ensemble de ses dépenses électorales par l’intermédiaire de son mandataire financier et, d’autre part, de restituer à la CNCCFP les carnets de reçus-dons sont justifiées par le principe de transparence du financement de la campagne électorale.
En effet, l’absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception éventuelle de dons interdits par l’article L. 52-8 du Code électoral (dons supérieurs au plafond légal, dons provenant d’une personne morale autre qu’un parti politique, etc.). Quant au règlement direct par le candidat de dépenses électorales alors même que le mandataire financier a déjà été désigné, il contrevient à l’obligation de retracer dans le compte de campagne l’intégralité des dépenses engagées en vue de l’élection. Cette négligence peut en effet traduire une volonté du candidat de dissimuler des dépenses électorales afin de rester en deçà du plafond des dépenses électorales autorisé et, en tout état de cause, de contourner le contrôle de la CNCCFP.
Le non-respect de cette seconde règle ne découle toutefois pas systématiquement d’une intention frauduleuse de la part du candidat ou d’une volonté de sa part d’occulter des dépenses irrégulières. En toute bonne foi, un candidat peut avoir été contraint de régler lui-même directement des dépenses électorales en raison soit de difficultés rencontrées par son mandataire financier pour obtenir l’ouverture d’un compte bancaire soit du retard de la banque dans l’envoi des instruments de paiement.
Or, cette difficulté doit être anticipée par le candidat en désignant son mandataire financier suffisamment tôt afin qu’il procède ensuite aux formalités administratives nécessaires auprès des établissements bancaires. En outre, le refus d’un établissement bancaire d’ouvrir un compte bancaire au mandataire financier peut être surmonté grâce au droit au compte bancaire reconnu par les articles R. 39-6 et suivants du Code électoral.
Le règlement direct par un candidat de ses dépenses électorales après la désignation de son mandataire financier et la non restitution à la CNCCFP des carnets de reçus-dons sont d’autant plus à proscrire qu’ils exposent le candidat fautif à des sanctions particulièrement lourdes, qu’elles soient financières (le rejet du compte de campagne et l’absence de remboursement des dépense électorales) ou politiques (l’inéligibilité).