Il y a des dossiers qui vous marquent et celui-ci, pour de nombreuses raisons, en fait indéniablement partie.
Partant du constat – avéré – selon lequel la proportion d’élèves issus des catégories socioprofessionnelles les moins favorisées est « trop faible dans les écoles de service public, plus particulièrement celles ouvrant aux carrières de la haute fonction publique », le ministère de la transformation et de la fonction publiques a entendu favoriser le recrutement des candidats issus des catégories socioprofessionnelles les moins favorisées (Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 favorisant l’égalité des chances pour l’accès à certaines écoles de service public, p. 1).
Cette politique – à laquelle l’on ne peut qu’adhérer – visant à garantir l’égalité des chances pour un meilleur accès à la haute administration s’est traduite par une ordonnance n° 2021-238 en date du 3 mars 2021 créant à titre expérimental un concours externe spécial dénommé « Concours Talents ».
Précisément, l’article 1er de cette ordonnance prévoit que « peuvent se présenter à ce concours les personnes qui suivent, à la date de clôture des inscriptions, ou ont suivi, dans les quatre années civiles précédant l’année au cours de laquelle le concours est ouvert, un cycle de formation préparant à l’un ou plusieurs des concours externes ou assimilés donnant accès à ces écoles ou organismes, accessible au regard de critères sociaux et à l’issue d’une procédure de sélection».
L’article 4 de cette même ordonnance prévoit quant à lui que la liste des concours et la nature des cycles de formation concernés seront fixés par décret en Conseil d’Etat.
Par un décret n° 2021-239 du 3 mars 2021, le Premier ministre a donc fixé les conditions d’accès aux cycles de formation aux concours externes spéciaux ainsi que les modalités d’organisation de ces mêmes concours.
L’article 25 du décret n° 2021-239 du 3 mars 2021 subordonne l’inscription d’un candidat aux concours externes spéciaux aux deux conditions suivantes:
- Remplir les conditions de ressources fixées pour l’attribution d’une bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux ;
- Suivre ou avoir suivi, à la date de clôture des inscriptions à ces concours, au cours des quatre années civiles précédant l’année au cours de laquelle ces concours sont ouverts, une préparation aux concours externes organisée après une procédure de sélection par un établissement assurant la formation de fonctionnaires ou un établissement public d’enseignement supérieur.
Cet article 25 précise encore que « la liste de ces préparations est fixée par arrêté du ministre chargé de la fonction publique ».
C’est tout l’objet de l’arrêté du 24 mars 2021 fixant la liste des préparations ouvrant droit à l’inscription aux concours externes spéciaux d’accès à certaines écoles de service public, source du présent litige.
En effet, l’arrêté du 24 mars 2021 a fixé la liste des quarante préparations ouvrant droit à l’inscription aux concours externes spéciaux en excluant toutefois la PrépaConcours de Sciences Po Paris alors que cette école préparatoire satisfaisait aux conditions posées par l’article 25 du décret n° 2021-239 précité.
La conséquence en était particulièrement cruelle pour les étudiants boursiers ayant fait le choix de s’inscrire à la PrépaConcours de Sciences Po Paris puisque l’arrêté du 24 mars 2021 avait pour effet de les priver d’accès aux « Concours Talents » de la session 2021 et du bénéfice de ce nouveau dispositif visant à garantir une meilleure égalité des chances.
Ces étudiants subissaient une perte de chance d’autant plus importante que, compte tenu de leurs ressources financières nécessairement limitées et de l’investissement – ou plutôt un sacrifice lorsque l’on sait le sacerdoce qu’implique pour un étudiant de préparer les concours de la haute administration –, ils ne pourraient se permettre d’attendre la session 2022 des concours externes spéciaux.
Estimant que cet arrêté portait atteinte au principe d’égalité et à leurs droits, ces étudiants de la PrépaConcours de Sciences Po Paris, boursiers de l’enseignement supérieur, ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative en lui demandant de suspendre l’exécution de cet arrêté.
Par une ordonnance rendue le 15 avril 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de ces étudiants en suspendant l’exécution de l’arrêté litigieux au motif qu’il méconnaissait bien le principe d’égalité entre les établissements dispensant des formations de même nature.
Et ce dimanche 18 avril 2021, le ministère de la fonction publique a tiré les conséquences de cette ordonnance de référé en publiant un arrêté complémentaire intégrant la PrépaConcours de Sciences Po Paris à la liste des préparations ouvrant droit à l’inscription aux concours externes spéciaux.
Dans ce dossier, Me Jean-Christophe Ménard a eu l’immense honneur – et c’est un euphémisme – de défendre ces étudiants boursiers de la PrépaConcours de Sciences Po Paris et de leur obtenir cette (très belle) ordonnance de référé.