Par une décision n° 2018-40 I du 29 novembre 2018, le Conseil constitutionnel a considéré qu’un mandat de député était incompatible avec les fonctions de président d’une SAS dont l’activité consiste pour partie dans l’exécution de travaux ou la prestation de services destinés à une collectivité publique.
En l’espèce, le Conseil constitutionnel avait été saisi par le député Philippe Gomès d’une demande concernant la compatibilité de son mandat parlementaire avec ses fonctions de président de la société par actions simplifiée « Nouvelle-Calédonie Energie », ce cumul étant susceptible de relever des incompatibilités prévues par l’article L.O. 146 du code électoral aux termes duquel « sont incompatibles avec le mandat parlementaire les fonctions de chef d’entreprise, de président de conseil d’administration, de président et de membre de directoire, de président de conseil de surveillance, d’administrateur délégué, de directeur général, directeur général délégué ou gérant exercées dans […] les sociétés ou entreprises dont l’activité consiste dans l’exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services destinés spécifiquement à ou devant faire l’objet d’une autorisation discrétionnaire de la part de l’Etat, d’une collectivité ou d’un établissement public ou d’une entreprise nationale ou d’un Etat étranger » (pour une application récente de cette disposition, voir la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-39 I du 29 juin 2018 : https://bit.ly/2RoJOaV).
Deux questions se posaient donc au Conseil constitutionnel :
- D’une part, les fonctions de président d’une société par actions simplifiée relèvent-elles du champ d’application de l’article L.O. 146 du code électoral ?
- D’autre part, les activités de la société Nouvelle-Calédonie Energie consistent-elles dans l’exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services soit destinés à l’Etat, une collectivité publique, un établissement public, une entreprise nationale ou un Etat étranger soit devant faire l’objet d’une autorisation discrétionnaire de la part de ces entités ?
A la première question, le Conseil constitutionnel va réitérer une jurisprudence constante (décision n° 2015-33 I du 22 décembre 2015, JORF n°0299 du 26 décembre 2015, p. 24084) et estimer que les fonctions de président d’une société par actions simplifiée relèvent bien du champ d’application de l’article L.O. 146 du code électoral y compris, précise-t-il, lorsque ces fonctions sont exercées à titre bénévole.
A la seconde question, le Conseil constitutionnel va également répondre par l’affirmative en s’appuyant sur le faisceau d’indices suivant :
- La société Nouvelle-Calédonie Energie a pour objet la conception d’une centrale électrique destinée à pourvoir, notamment, aux besoins en électricité du réseau public de la Nouvelle-Calédonie ;
- La moitié du capital social de cette société est détenue par un établissement public administratif ;
- Le projet de création de cette nouvelle centrale électrique bénéficie d’un cofinancement public ;
- La maîtrise d’ouvrage des études en vue de réaliser cette centrale a été confiée à la société Nouvelle-Calédonie Energie par le biais d’un contrat de développement conclu entre l’Etat et la Nouvelle-Calédonie.
Bien que l’activité de la société Nouvelle-Calédonie Énergie ne consiste donc pas dans l’exécution de travaux et la prestation de services destinés exclusivement à une collectivité publique et à un établissement public, le Conseil constitutionnel va cependant considérer que ces activités relèvent bien des incompatibilités prévues par l’article L.O. 146 du code électoral et en conclure que l’exercice des fonctions de président de la société Nouvelle-Calédonie Énergie place le député Philippe Gomès dans une situation d’incompatibilité avec l’exercice de son mandat parlementaire.
L’incompatibilité prévue par l’article L.O. 146 du code électoral trouve donc à s’appliquer y compris lorsque l’activité d’une société dans laquelle un parlementaire exerce des fonctions consiste dans l’exécution de travaux et la prestation de services destinés partiellement à une collectivité publique ou à un établissement public.
Lire la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-40 I du 29 novembre 2018